Etranger - L'Europe, Une Fédération Confédérale

Il faut espérer qu’il se dégagera au sein de la Convention européenne, qui se réunit actuellement à Bruxelles, un consensus majoritaire sur une réfondation institutionnelle de l'Union Européenne, qui soit en mesure de faire coopérer efficacement au moins 25 Etats membres. Dans ce contexte, deux aspects institutionnels doivent être agrégés en une unité opérationnelle, non en guise de compromis politique, mais parce qu’ils correspondent à l’essence même de l’unification européenne :
• l’intégration communautaire, avec son caractère supranational et donc fédéral
• et la coopération confédérale, intergouvernementale entre Etats membres.
 
Le premier aspect – supranational – a déjà pris corps il y a 50 ans avec le plan Schuman et la méthode communautaire de Jean Monnet. Aujourd’hui, après l’adoption d’une série de traités de base à portée constitutionnelle, la méthode communautaire apparaît dans le premier pilier des compétences de l’UE, qui concerne surtout le marché commun, la politique agricole, l’union monétaire et dans le cadre duquel les décisions se prennent de plus en plus à la majorité qualifiée, même si la règle de l’unanimité, et donc le droit de veto, sont encore d'application à l'intérieur de ce premier pilier, notamment dans des domaines aussi importants que la fiscalité et la sécurité sociale.
 
Le second aspect apparaît dans les deuxième et troisième piliers, qui sont intergouvernementaux ; ceux-ci englobent des compétences qui relèvent du droit des traités, comme la politique étrangère et de sécurité commune et les politiques en matière de justice, de police et (encore largement) d’immigration. Le processus décisionnel y est celui du consensus et résulte le plus souvent de négociations difficiles entre gouvernements et ministres nationaux. Il est toutefois possible, depuis le Traité d’Amsterdam, de contourner les blocages extrêmes grâce à la ‘coopération renforcée’, qui permet à un nombre limité d’États membres – au moins huit – de décider entre eux de coopérer dans certains domaines d’action, même si les autres États membres refusent de participer. La défense en est cependant totalement exclue : elle continue de relever intégralement de décisions nationales souveraines.
 
Outre le processus décisionnel communautaire du type fédéral et le processus décisionnel intergouvernemental, qui est confédéral, il y a évidemment encore tous les domaines d’action qui, en application du principe de subsidiarité, relèvent de la compétence des parlements nationaux et, au sein de chaque État membre, éventuellement de celle des régions et des niveaux de pouvoir inférieurs.
 
Il est évident que surgissent entre les trois niveaux - supranational, intergouvernemental et national - des problèmes très complexes qui sont dus à des compétences concurrentes, des conflits d’intérêts, les conséquences d'une complexité et d'une technocratie poussées à l’extrême, un manque de transparence, une responsabilité démocratique insuffisante et l’absence d’obligation pour les dirigeants de rendre des comptes et de se justifier suffisamment. Dans une Union comptant 25 à 30 Etats membres, toutes ces imperfections risquent d’être encore plus marquées et d’entacher la crédibilité de l’Union européenne. Le manque de crédibilité dont a souffert et souffre l’intégration européenne, et ce, malgré les succès enregistrés par l’Union monétaire, pourrait susciter des critiques de plus en plus virulentes, voire même de l’hostilité, si l’Union élargie devait être jugée responsable d’un certain nombre de problèmes qui n’ont pas encore pu être résolus ou l’ont été de manière insatisfaisante. Citons, à titre d’exemple, l’immigration désordonnée, l’insécurité, les distorsions de concurrence, les problèmes que connaissent toute une série de secteurs économiques (comme l’agriculture), la forte hausse des dépenses européennes et, vis-à-vis de l’extérieur, les relations parfois difficiles avec un certain nombre de pays en voie de développement, le drame vécu par les pays les plus pauvres, l’élimination des effets néfastes de la globalisation, la quasi-inexistence de la politique étrangère et de défense de l’Union européenne … Le malaise est profond et s’exprime de différentes manières.
 
Il est dès lors impératif de remodeler en profondeur les institutions européennes. Ce remodelage doit déboucher sur la constitution d’une union politique solide, qui fonctionne de manière efficace et qui repose sur des bases démocratiques. Lors des négociations relatives au Traité de Maastricht, en 1991-92, l’approfondissement de l’Union au niveau institutionnel fut prioritaire, l’élargissement aux nouveaux Etats membres ne venant qu’en deuxième position et ne devant s’opérer que pour autant que la réalisation de l’union politique soit suffisamment avancée. Cinq ans plus tard, lors de l’adoption du Traité d’Amsterdam, une autre thèse a vu le jour : la réforme des institutions et l’élargissement étaient deux processus qui devaient aller de pair, vu la nécessité de procéder d’urgence à l’élargissement pour des motifs politiques, notamment la stabilisation des jeunes démocraties en Europe centrale et de l'est. Et en 2000, lors de la conclusion du Traité de Nice, une étape supplémentaire a été franchie : il fut jugé souhaitable et nécessaire d’un point de vue politique de mener à bonne fin l’élargissement de l’Union européenne à 25 et 30 Etats membres pour 2003, afin que les pays admis puissent participer aux élections européennes de juin 2004. Cette priorité n’était donc plus subordonnée à la mise en place d’une union politique à part entière, du moins dans le temps. Lors du sommet européen de Laeken, sous la présidence de la Belgique, c’est telle un œuf de Colomb tombé du ciel que fut accueillie la proposition de confier l’avenir institutionnel de l’Union européenne, au sens le plus large du terme, à une Convention européenne, chargée d’en débattre, et ensuite à une Conférence intergouvernementale traditionnelle, qui s’attellerait à la rédaction d’un nouveau traité.
 
À mesure que les travaux de la Convention européenne progressent, il faudra formuler un certain nombre de lignes directrices qui devraient permettre d’atteindre, entre autres, les objectifs suivants :
• garantir une gestion efficace d’une Union composée de 25 à 30 États membres par le biais d’institutions adaptées et d’une politique européenne transparente. Ainsi faut-il répondre aux problèmes et préoccupations de la population européenne. À cet égard, l’Union européenne ne doit en aucun cas devenir un super-État bureaucratique et, par voie de conséquence, antidémocratique.
• Il est dès lors capital que le principe de subsidiarité soit appliqué de manière plus efficace. La subsidiarité doit permettre aux états nationaux de rester compétents pour les problèmes qu’ils peuvent eux-mêmes résoudre – principe de la subsidiarité descendante – mais elle doit également permettre le transfert des compétences vers des niveaux décisionnels internationaux et supranationaux supérieurs – principe de la subsidiarité ascendante – chaque fois que les États membres sont manifestement dans l’incapacité de trouver des solutions. D’où la nécessité d’une délimitation plus précise des compétences.
• La subsidiarité et la délimitation des compétences ne peuvent en aucun cas mener à un affaiblissement de l’acquis communautaire et à la renationalisation de certaines politiques, telles que la politique agricole. Une délimitation plus précise des compétences et une procédure de vérification ex ante de la subsidiarité des décisions de la Commission européenne et du Conseil (voir infra) devraient être « compensées » institutionnellement par un système de « passerelles » qui doivent permettre de communautariser des compétences spécifiques du 2ème et du 3ème pilier (par exemple, la politique d’immigration) sans devoir procéder à des modifications compliquées du Traité.
• La crédibilité de l’Union européenne, en tant qu’union véritable et solide des peuples européens, pourrait être considérablement renforcée par l’élaboration d’une constitution européenne (ou d'un traité constitutionnel), dans laquelle les droits fondamentaux mais également les devoirs des citoyens européens seraient inscrits et dans laquelle les institutions fondamentales de l’Union européenne seraient décrites.
• Mais l’élaboration d’une constitution européenne, quelque importante qu’elle soit, n’aura pas l’effet escompté si la Convention européenne et ensuite, la conférence intergouvernementale ne parviennent pas à résoudre une série de problèmes institutionnels épineux et urgents.
 
L’Union européenne et son fonctionnement sont plus que toute autre institution en proie à 'l’onitude' ou le règne d'ON, . Cela vise le mode opérationnel dépersonnalisant de nos sociétés contemporaines, soumises à « la toute puissance du ON », pronom le plus impersonnel qui soit. On décide, On dirige, On décrète par-dessus la tête des gens. La politique rendue non figurative, incompréhensible, inaccessible et irresponsable, suite aux excès de la technocratie, ouvre toute grande la voie au « populisme » dans toutes ses variantes, populisme qui gagne du terrain dans nombre de pays européens. L’Union européenne est souvent perçue dans le pire des cas comme Big Brother, dans le meilleur des cas comme une peinture abstraite. Il appartient donc à l’Union européenne de lui donner un visage, une politique qui interpelle les citoyens et qui peut être contrôlée de manière démocratique.
 
 
 
Points à l’ordre du jour de la réforme
 
1. Un président de l’UE
 
La proposition de désigner un président de l’Union européenne pour une période de cinq ans, de sorte que la durée de son mandat corresponde à celle de la législature du Parlement européen, est intéressante. Le rôle du président de l’Union européenne serait d’incarner l’Union, et ce plus spécialement à l’égard de l’opinion publique et des médias, de la représenter au plus haut niveau, de présider les conseils importants et d’être l’interlocuteur du Parlement européen, soutenu par une dialectique croissante entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. La création d’une telle fonction dépend toutefois d’un certain nombre de conditions rigoureuses. Car il est évident que la désignation d'un président de l'UE risque de perturber l'équilibre institutionnel de l'Union, tel que conçu par les pères fondateurs et maintenu depuis 50 ans.
 
- Ainsi, la désignation démocratique du président de l’Union européenne doit lui procurer non seulement son pouvoir mais également son autorité morale, ce qui n’est possible que s’il est élu par le Parlement européen ou éventuellement par un Congrès européen, composé du Parlement européen et d’une Assemblée interparlementaire (AIP) des représentants des parlements nationaux. Une élection directe par le citoyen européen semble, pour le moment, inappropriée étant donné que cette possibilité placerait les chefs d’État et de gouvernements des États membres dans une position d’infériorité trop marquée et mettrait la Commission européenne en situation de faiblesse.
- Sa désignation par le Parlement européen n’empêcherait en aucune façon le Conseil européen des chefs d’État et de gouvernements de présenter un certain nombre de candidats qui auraient été nominés à la majorité qualifiée.
- Dans le cadre de sa nouvelle fonction nécessairement prestigieuse, le président de l’Union européenne ne pourrait en aucun cas éclipser la Commission européenne et son président et contribuer ainsi à la « décommunautarisation » et à l’affaiblissement de l’intégration fédéralisante. Le président de l’Union européenne devra en effet incarner de manière équilibrée la dualité de l’Union, c'est-à-dire son volet communautaire et son volet intergouvernemental. L’idéal serait de trouver une formule de coopération optimale entre le président de l’Union et la Commission européenne, et particulièrement son président. On observera incidemment que si le président de la Commission européenne est une personnalité très forte, la création de la fonction de président de l’Union européenne s’avère beaucoup moins indispensable. À l’époque où Jacques Delors présidait la Commission, il était de facto le président incontesté de l’Union européenne, qui ne comptait certes alors que douze États membres et non 25 ou 30.
 
2. Un exécutif européen
 
Une structure équilibrée, mais puissante, au sommet de la pyramide institutionnelle européenne requiert la création d’un exécutif européen. Cet exécutif serait composée :
- du président de l’Union européenne
- du président de la Commission européenne
- du haut représentant de la politique étrangère et de sécurité commune
- des principaux membres de la commission, avec le titre de vice-président
- des ministres des trois pays qui, formant la ‘troïka’, seraient chargés de la présidence ‘tournante’ des conseils des ministres européens, sous la direction et la coordination du président de l’Union (voir ci-dessous).
L’exécutif coordonne les politiques communautaire et intergouvernementale et est chargé de définir les grandes lignes de leur mise en œuvre. Par l’intermédiaire du président de l’Union et du président de la Commission, l’exécutif est le principal interlocuteur du parlement européen et des délégations des parlements nationaux, lorsque celles-ci se réunissent en une assemblée interparlementaire ad hoc. Une présidence alternante de l'Exécutif européen, partagée entre le président de l'Union et le président de la Commission est parfaitement concevable. Il faut en effet que le président de l'Union et le président de la Commission soit mis sur un pied d'égalité.

3. La présidence des conseils
 
Le président de l’UE incarne la continuité de la présidence des conseils et est, à ce titre, responsable de la cohérence et du suivi des dossiers. Il coordonne également le communautaire et l’intergouvernemental et veille par conséquent à ce que règne une symbiose suffisante entre les piliers I, II et III. La présidence des conseils ne peut toutefois pas être distraite du rôle directeur des États membres qui doivent se succéder à à la direction de l'Union, aussi longtemps que l’UE présente les caractéristiques d’une ‘fédération confédérale’. Les États membres doivent donc, chacun à leur tour, exercer également la présidence des conseils. En outre, il est matériellement impossible pour le président de l’Union de présider tous les conseils. Il est donc recommandé de maintenir le principe actuel de rotation des États membres qui président les conseils, mais d’en modifier la forme. La présidence du conseil doit être exercée par une troïka de pays, constituée du pays qui exerce effectivement la présidence pour 6 mois, ainsi que de l’État membre qui l’a exercée avant lui et de celui qui l’exercera après lui. Grâce à ce système de présidence exercée par une troïka dont la composition change, chaque État membre est concerné pendant 18 mois par la direction des conseils. Cette direction doit toutefois se faire sous le leadership du président de l’Union.
 
4. Scission du Conseil des affaires générales
 
Composé des ministres des affaires étrangères, l’actuel Conseil des affaires générales a un ordre du jour beaucoup trop chargé et beaucoup trop hétérogène. Il conviendrait de créer un conseil des ministres des Affaires étrangères distinct, au sein duquel le Haut représentant de la politique extérieure - actuellement M. J. Solana - jouerait un rôle-clé. Chargé de la politique extérieure et de sécurité commune (PESC, deuxième pilier), ce conseil disposerait de compétences intergouvernementales, de sorte qu’il prendrait ses décisions sur une base consensuelle.
Ce dernier élément ne peut toutefois par empêcher le recours à la « coopération renforcée » dans le domaine de la politique extérieure ni empêcher la Commission européenne d’exercer, au même titre que les ministres nationaux, un droit d’initiative en la matière.
Déchargé de ses compétences spécifiques en matière de politique extérieure, le Conseil des affaires générales pourrait dès lors se concentrer sur les principes et sur les problèmes politiques généraux de l’Union européenne. C’est là que le président de l’Union, le président de la Commission européenne et les membres de cette dernière ont un rôle extrêmement important à jouer. Il est souhaitable qu’un ministre des Affaires européennes soit désigné au sein du gouvernement de chacun des États membres. Ce ministre siégerait alors au sein du nouveau Conseil des affaires générales, où il remplacerait l’actuel ministre des Affaires étrangères.
Outre la réforme du Conseil des affaires générales et la création d’un Conseil des affaires extérieures, il serait également souhaitable qu’un Conseil de la Défense, composé des ministres de la Défense, se réunisse régulièrement. Le Traité de Maastricht dispose en effet que l’Union européenne ne vise pas seulement à mettre en oeuvre une politique de défense et de sécurité commune, mais aussi, le moment venu, une défense commune. Il convient d’envisager d’étendre la « coopération renforcée » aux questions de défense, moyennant toutefois des modalités particulières.
 
5. Un Parlement européen plus puissant.
 
Un système parlementaire et démocratique est régi par le principe de la séparation des pouvoirs. Le fait que dans la situation actuelle, les conseils des ministres exercent simultanément les pouvoirs exécutifs et législatifs est source de confusion, de situations conflictuelles et d’inefficacité. Il faut impulser une dynamique qui élève progressivement et à terme le Parlement européen au rang de corps législatif démocratique unique de l’Union européenne, éventuellement assisté d’une Assemblée interparlementaire des parlementaires nationaux, chargée d’assurer le contrôle démocratique des compétences intergouvernementales.
La proposition visant à associer les parlementaires nationaux aux travaux des conseils des ministres européens est contre-productive et va à l’encontre du principe de la séparation des pouvoirs. Dans une Union comptant 20 à 30 membres, il serait irréaliste de faire participer les représentants d’un nombre équivalent de parlements, dans leur composition politique respective, aux conseils des ministres dont en outre l’ordre du jour est généralement surchargé. Le contrôle démocratique et parlementaire des décisions des conseils des ministres européens doit se dérouler au sein du Parlement européen, d'une assemblée interparlementaire et des parlements nationaux.
La publicité des travaux des conseils des ministres, chaque fois que ceux-ci font œuvre législative, n’est pas non plus recommandable, car une pression émanant de l’extérieur, et plus particulièrement de la part des médias, risquerait ainsi d’être exercée sur les ministres, afin qu’ils justifient les décisions qu’ils ont prises ou qu’ils envisagent de prendre. Or, c’est à l’égard d’un parlement que les ministres doivent se justifier.
 
L’impulsion d’une dynamique débouchant sur une responsabilité et un pouvoir accrus du Parlement européen peut être favorisée par les mesures suivantes :
 
- L’octroi d’un droit d’évocation au Parlement européen dans un certain nombre de domaines politiques préétablis, au cas où il s’avère que le Conseil des ministres (éventuellement le Conseil Européen) bloque les décisions à prendre. Des blocages peuvent se produire à propos de matières soumises à la règle de l’unanimité ou de questions pour lesquels une majorité qualifiée suffisante n’est pas atteinte. Le Parlement européen pourrait alors, par un vote à la majorité qualifiée, se saisir du dossier et l’examiner.
 
- L’application séquentielle de la co - décision, de manière systématique. Cela signifierait que, chaque fois que la Commission soumet en premier lieu ses propositions au Parlement européen (au lieu de les soumettre d’abord au Conseil de ministres), le Parlement aurait le premier et le dernier mot dans la procédure. Il arrive souvent aujourd’hui que le Conseil de ministres soit sur le point de prendre une décision finale ou la prenne, alors que le Parlement n’est pas encore arrivé au bout de la procédure de co - décision.
 
- L’octroi d’un droit d’initiative au Parlement européen. Il convient, ici aussi, de limiter ce droit d’initiative à une liste préétablie de matières. On peut envisager qu’en cas d’exercice du droit d’initiative par le Parlement européen, le Conseil de ministres se voie attribuer un pouvoir de co - décision propre, ce qui conduirait à une inversion de la co - décision..
 
 
- L’octroi au Parlement européen du pouvoir d’adopter les traités européens. Le Parlement européen réclame ce pouvoir depuis longtemps déjà. À cet égard, il semble que la meilleure solution serait qu’un Congrès européen, composé du Parlement européen et d’une Assemblée composée par les parlements nationaux – l’Assemblée interparlementaire – examine les nouveaux traités de l’Union européenne et les vote ou les rejette. Dans cette hypothèse, les parlements nationaux ne devraient plus voter les traités, ce qui réduirait le risque d’un blocage par l’un des États membres, ou par un nombre limité d’entre eux. En revanche, il est sans doute souhaitable d’imaginer, pour les modifications du traité de base de l’UE – la future constitution européenne –, une procédure à laquelle seraient associés non seulement le Parlement européen, mais également les parlements nationaux et, éventuellement aussi, par voie de référendum, la population européenne.
 
- L’instauration d’un impôt européen. La plupart des experts s’accordent à estimer que le financement de l’élargissement, et plus particulièrement l’intégration des nouveaux États membres dans la politique agricole commune et les fonds régionaux et structurels, ne pourront se faire, certainement après 2006, dans les limites des marges budgétaires actuelles de l’Union européenne, à savoir 1, 27 % du produit intérieur brut de l’Union. Il faut profiter du dépassement de ce plafond pour instaurer, par le biais du Parlement européen, un impôt européen qui devra être un impôt indirect (p.e. une taxe sur l'essence). Il est évident que les résistances politiques seront moins fortes dans le cas d’un véritable impôt européen, qui devra être voté par le Parlement européen, que si l’augmentation de la pression fiscale ou les dotations européennes devaient être décidées par le parlement national de chaque État membre.
 
6. La Commission européenne

La commission doit rester la 'pierre angulaire' de l'Union.C'est la raison pour laquelle il faut préserver son droit (souvent monopole) d'initiative, son indépendance et renforcer sa légitimité démocratique grâce à un mode de désignation démocratique et une responsabilité politique accrue.
Si un Exécutif européen est créé, comme proposé au paragraphe 2, il suffira que la Commission comprenne désormais un seul commissaire par Etat membre, même si l’Union européenne compte 25 ou 30 pays. Un cabinet restreint de fait, composé de membres de la Commission, fonctionnera en effet au sein de l’Exécutif européen, où siégeront les président de la Commission et les vice-présidents. Compte tenu du rôle que joueront ceux-ci au sein de l'Exécutif, il sera moins nécessaire de transférer le haut représentant de la politique étrangère à la Commission. La politique étrangère et de sécurité commune (PESC) demeurera en effet encore longtemps une matière intergouvernementale, même si la Commission acquiert un droit d’initiative partagé et si la « coopération renforcée » s’applique également en ce domaine.
 
Il importe toutefois que la Commission européenne s’emploie à mettre en place un « gouvernement économique » spécifique pour les pays ayant adhéré à l’Union monétaire européenne. Ce gouvernement doit s’insérer dans un cadre associant aussi les ministres des Finances et de l’Economie des pays de la zone Euro, actuellement au nombre de douze, aux processus décisionnels. On donnera ainsi corps au modèle « Saturne », c’est-à-dire une Union européenne composée d’une grande planète, l’Euroland, au centre de l’Union élargie. L’Euroland et la monnaie unique exerceront une grande force d’attraction sur les autres Etats membres qui n’auront pas encore pu adhérer à l’Union monétaire. Afin d’associer très étroitement les nouveaux Etats membres à cette dynamique de convergence de l’intégration, il serait souhaitable, lors de la phase de transition, de prévoir un système de « coopération complémentaire » avec l’ensemble des Etats membres, système qui constituerait le pendant de la « coopération renforcée ». Grâce à la coopération complémentaire, les nouveaux Etats membres seraient associés aux processus décisionnels selon les modalités de 'decision shaping'.
 
7. Les élections européennes
 
Pour accroître l’influence et l’attrait politique du Parlement européen – et par là même le taux de participation des électeurs –, il faudrait envisager de réserver un nombre prédéterminé ou un pourcentage des sièges du Parlement européen à des candidats transnationaux, c’est-à-dire des personnalités européennes pour lesquelles les électeurs européens de tous les Etats membres pourraient voter.
 
Par la même occasion, il faudrait penser à réserver un certain nombre de sièges à des acteurs de la société civile, à des personnes issues des milieux socio-économique, scientifique, caritatif ou culturel qui pourraient être désignées au Parlement européen par voie de cooptation.
 
Il importe par ailleurs de renforcer la collaboration entre le Parlement européen et les parlements nationaux. Pour autant qu’ils ne l’aient pas encore fait, tous les parlements nationaux des Etats membres devraient permettre aux parlementaires européens de siéger au sein de certaines de leurs propres commissions parlementaires.
 
Il est aussi hautement souhaitable de libérer davantage de moyens collectifs afin d’informer tous les habitants de l’Europe, où qu’ils résident, sur la vie de l’Union, sur le fonctionnement des institutions européennes, sur les problèmes de la politique européenne, sur les activités et réalisations culturelles, etc., et ce de manière attrayante et interactive, par le biais des moyens de communication modernes que sont l’internet et la télévision. La collaboration franco-allemande dans le cadre du programme de télévision Arte en est un bel exemple qui, espérons-le, s’européanisera.
 
8. Une Assemblée interparlementaire
 
Ce qui confère à l’Union européenne son caractère incomparable, c’est sa dualité spécifique: un ensemble fait d’unité nécessaire et de diversité maximales, sur lequel vient se greffer une superstructure institutionnelle qui selon la nécessité est intégrée, communautaire, supranationale et fédérale d'une part ou intergouvernementale, coopérative et confédérale d'autre art avec une rétroaction vers les parlements nationaux et leur contrôle politique démocratique.
Ni la Commission européenne et ni le Parlement européen exercent de compétence intergouvernementale spécifique. La thèse selon laquelle la coopération intergouvernementale, plus précisément les piliers II et III, devrait faire l’objet d’un contrôle et d’un suivi démocratiques au sein des parlements nationaux, n’est certes point dénuée de logique. Elle n’est cependant pas satisfaisante en raison du fait qu’il est impossible de légitimer pleinement l’ « aspect coopératif » des compétences intergouvernementales dans des parlements exclusivement nationaux, de sorte que ceux-ci ne peuvent pas être appelés à contrôler les décisions inter-gouvernementales. Il se forme ainsi un déficit démocratique structurel. C’est surtout dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune et de la politique en matière de police, d’immigration et de justice que ce déficit structurel des parlements nationaux n’est que trop évident. Le contrepoids – 'counter vailing' power – de la politique intergouvernementale doit être organisé au sein d’une assemblée interparlementaire constituée de délégués des parlements nationaux de tous les États membres. A compétence intergouvernementale il faut un contrôle interparlementaire.
 
La création d’une Assemblée interparlementaire (IPA) ne doit absolument pas déboucher sur la création d’une deuxième Chambre, création qui serait le couronnement de l’évolution fédérale de la construction de l’Union européenne, après qu’il aura été progressivement mis fin aux compétences législatives des conseils des ministres européens. Une deuxième Chambre à l’instar du Bundesrat allemand ne pourrait en outre exercer de contrôle démocratique sur les compétences intergouvernementales. Une deuxième Chambre se bornerait à gérer l’apport des États membres dans le cadre d’un fédéralisme strictement pyramidal.
 
 
Les avantages que présente la création d’une Assemblée interparlementaire (AIP) sont considérables
 
- L’AIP donnera corps concrètement à la « responsabilité des parlements nationaux en matière de coopération entre états » dans tous les domaines où la collaboration intergouvernementale prime toujours. Plus la politique « commune » sera solide, et plus grande sera la dynamique susceptible de transformer une « politique commune de coopération » en une « politique communautaire d’intégration ».
 
- L’assemblée interparlementaire (AIP) proposée en l’occurrence absorbera l’assemblée parlementaire informelle des représentants des parlements nationaux, la « COSAC ». Elle pourrait également absorber l’assemblée de l’Union européenne occidentale, dès lors que les missions les plus importantes de l’Union européenne occidentale ont été transférées à l’Union européenne, et que l’assemblée de l’UEO n’est plus chargée que du contrôle parlementaire de l’article V du traité de Bruxelles modifié, lequel porte sur la solidarité entre les États membres en cas d’agression étrangère contre l’un des dix États membres de l’UEO.
 
- La collaboration entre le Parlement européen et l’Assemblée interparlementaire constitue une compétence majeure de cette dernière. Réunies en une assemblée commune, ces deux assemblées devraient constituer un "Congrès européen" appelé à élire le président de l’Union et de la Commission européenne, ainsi qu’à approuver les nouveaux traités européens ou leurs modifications.
 
- L’AIP pourrait également exercer un droit d’évocation à l’égard du Conseil des ministres si ce dernier devait se trouver dans une impasse en raison de l’application de la règle de l’unanimité pour les matières intergouvernementales.
 
- Enfin, le contrôle de la subsidiarité peut constituer une dernière compétence dévolue partiellement à l’AIP. Il n’est pas toujours aisé de déterminer si une compétence déterminée doit dans une situation concrète être exercée par les institutions de l’Union, ou par des institutions des États membres nationaux. L’application des textes des traités n’est pas toujours la solution. Il peut s’avérer nécessaire qu’une décision soit prise au sujet de l’opportunité politique de la question examinée, surtout lorsque l’on souhaite se prémunir contre les tendances de régulation bureaucratique excessive dont fait preuve, de temps à autre, l’administration européenne. Il y a lieu d’évaluer d’une manière responsable sur le plan politique l’opportunité d’une subsidiarité en amont et en aval. Il est recommandé de constituer une commission mixte de parlementaires, composée de membres du Parlement européen et de membres de l’Assemblée interparlementaire, commission qui, de sa propre initiative ou à la demande des institutions européennes, pourrait émettre un avis (de préférence non contraignant) sur la question de savoir si un dossier déterminé doit être traité au niveau européen, ou au niveau national.
- La proposition d'ériger le Conseil des ministres en deuxième Chambre en l'ouvrant à des parlementaires nationaux des pays membres, qui accompagneraient leur ministre, est dangereuse à plusieurs égards. Elle renforce la confusion entre le pouvoir législatif et exécutif au sein du conseil et va à l'encontre d'une seine et nécessaire séparation des pouvoirs à terme. Les parlementaires nationaux introduits au Conseil, porteraient ombrage aux parlementaires européens, qui exerceraient leur contrôle démocratique à partir du Parlement européen et ne seraient pas associés aux délibérations de leurs co-législateurs, à savoir les ministres. En outre la composition des délégation de parlementaires nationaux poserait pas mal de problèmes pratiques (nombre; quels partis, quels pouvoir de décision?).

9. Le Comité des Régions.
 
L'association des régions, représentées au sein du Comité des régions, à certains aspects de la politique européenne est d'importance capitale pour la crédibilité démocratique, la transparence de la politique européenne et sa proximité des citoyens.
Les régions et leur organe – le Comité - doivent être considérés davantage comme des partenaires importants par les instances européennes. Le droit d'avis du Comité doit avoir une application plus étendue.
* Le Conseil et le Parlement européen devraient motiver sérieusement et rendre publiques préalablement les raisons pour lesquelles ils auraient décidé de ne pas suivre l'avis du Comité.
*Dans les dix cas de consultation obligatoire, le Comité serait associé à la procédure de co - décision.
* Le Comité doit être habilité à suspendre un acte législatif européen au cours d'une période limitée au cas où le Conseil ou le Parlement ou la Commission auraient écarté l'avis du Comité sans motivation suffisante.
* Le Comité doit pouvoir introduire un recours auprès de la Cour de Justice, au cas où le principe de subsidiarité ne serait pas respecté.
* Le Comité doit être associé aux travaux de la commission mixte (Parlement européen et Assemblée interparlementaire), chargée du contrôle de la subsidiarité.
 
10. Constitution et Cour.
 
Une constitution (ou un traité constitutionnel) devrait être soumis à la compétence de contrôle de la Cour de Justice européenne, se muant progressivement en Cour constitutionnelle européenne.
L'Union européenne doit revêtir la personnalité juridique, de telle sorte que l'Union puisse devenir partie contractante du Traité européen des droits de l'homme et e.a. également de la convention de Genève en ce qui concerne le droit d'asile.
 
 
RÉSUMÉ DES PRINCIPALES PROPOSITIONS
 
Les propositions formulées dans la présente note procèdent d’un réformisme réaliste. Un projet fédéraliste global reste pour l'heure inachevable. L’Union européenne élargie doit fonctionner efficacement en combinant fédéralisme et confédéralisme, intégration communautaire et coopération intergouvernementale. L’Union européenne doit être organisée comme une fédération confédérale ou comme une confédération fédérative, articulée autour de trois champs de compétence : communautaire (pilier I) ; intergouvernemental (pilier II et III) ; national ( les compétences qui, conformément au principe de subsidiarité, appartiennent aux États membres nationaux et à leurs composantes).
De nouvelles structures doivent être mises en place:
afin d’améliorer l’efficacité et l’image de l’Union: d'où l’idée d’un président de l’Union européenne et d’un exécutif européen;
afin de favoriser le contrôle et la transparence démocratiques: d’où des mécanismes allant dans le sens d’une séparation des pouvoirs et d’une parlementarisation accrue de l’Union européenne ;
afin de favoriser la dynamique d’intégration grâce à des mécanismes de transition, de cercles concentriques, d’une coopération renforcée, de passerelles…
 
Plus concrètement :
 
Un Président de l’Union européenne, élu par le Congrès européen
 
Un Congrès européen, composé du Parlement européen et de délégations des parlements nationaux, réunies en une Assemblée interparlementaire
 
Un Exécutif européen, composé notamment du président de l’Union européenne, du président de la Commission européenne, du Haut représentant pour la PESC, des vice-présidents de la Commission et des ministres des pays de la troïka.
 
Des conseils de ministres, présidés par le président de l’Union et par les pays de la troïka.
 
Scission du Conseil des Affaires générales en un Conseil des ministres des Affaires étrangères et un conseil spécifique des Affaires générales. Chaque État membre désigne un ministre des Affaires européennes qui siège au sein du Conseil des affaires générales
 
Création d’un conseil des ministres de la défense
 
Lancement d’une dynamique conduisant à une séparation des pouvoirs. Renforcement du Parlement européen en lui octroyant :
 
• un droit d’évocation ;
• une co - décision effective, le dernier mot revenant au Parlement-E ;
• le droit d’initiative, attribué au Parlement-E, et la co - décision pour le Conseil des ministres ;
• la compétence d’approuver les traitées européens ;
• la compétence d'instaurer un impôt européen.
 
Il est créé, au sein de la Commission européenne et des conseils des ministres compétents en la matière, un 'gouvernement économique' pour les pays appartenant à l’Union monétaire. Concrétisation du modèle « Saturne ».
 
La communautarisation du troisième pilier est facilitée par une « passerelle » qui permet de transférer les compétences vers le premier pilier sans « passer » par une modification du traité.
 
Lors des élections du Parlement européen, une liste comportant un certain nombre de candidats transnationaux est déposée dans toute l’Europe.
Des personnalités importantes ont en outre la possibilité d’être cooptées au Parlement européen.
 
Création d’une assemblée interparlementaire, chargée du contrôle démocratique des compétences intergouvernementales. Cette assemblée forme avec le Parlement européen le Congrès européen. Elle absorbe les assemblées de la COSAC et de l’UEO.
 
Une commission composée de membres du Parlement européen et de l’assemblée interparlementaire exerce le contrôle politique sur la subsidiarité.
 
Le Comité des Régions est habilité à introduire un recours auprès de la Cour de Justice
dans des cas de non-respect du principe de subsidiarité. Le Comité est associé à une procédure de co - décision dans les matières de son ressort. Au cas où le Conseil, le Parlement-E ou la Commission rejette de manière non-motivée un avis émis par le Comité, la décision concernée est suspendue temporairement.
 
La Constitution européenne est soumise au contrôle de la Cour européenne, qui ainsi devient une cour constitutionnelle. L'Union Européenne acquiert la personnalité juridique et devient ainsi partie contractante d'une série de traités internationaux et conventions.