Littérature - Textes - Lettre ouverte en l'an 2049 à La Libre Belgique à l'occasion du 50ième anniversaire de l'EURO


LETTRE OUVERTE  en l'an 2049 La Libre Belgique à l'occasion du 50ième anniversaire de l'EURO
Lettre àLa Libre Belgique, publié le 1 janvier 2O49
Leuven, le 1 janvier 2049
Institut virtuel universitaire
de Cyber-Economie Quantique
E-mail Mark et non Frank Eyskens
@@@@@@ IVUCEQ-Leuven.be
Tour Delors en Barre
Esplanade Eurotique,
40,3399 Leuven
Quartier Belge
District Europe
U.E.E.U.
Monsieur le Rédacteur en Chef,
Vous avez eu l’amabilité de me demander de livrer à vos lecteurs quelques impressions et commentaires à l’occasion du 50ième anniversaire du lancement de l’Euro. Il est vrai que quand j’ai signé le traité de Maastricht, au nom de la Belgique, en 1992, je ne pouvais imaginer un seul instant que l’Euro, après son instauration le 1 janvier 1999, allait conquérir le monde et refouler le Dollar. Au point que, de Bretton Woods II, III et IV en Système Monétaire Mondial (SMM), l’Euro et le Dollar fusionnèrent en 2031, pour constituer une monnaie unique universelle, appelé Eurodollar. Ce lancement monétaire fut suivi en 2037 par l’accord millénariste conclu entre d’une part l’Union Européenne, comptant 77 Etats membres après l'éclatement de la Russie en 51 républiques indépendantes, et d’autre part les Etats-Unis d’Amérique. Il en résulta une super-fusion donnant naissance à"l’Union Européenne des Etats Unis d’Amérique", ou U.E.E.U., s’étendant de l’Atlantique jusqu’aux Kouriles et de Spitsbergen à Ushuaï.
Excusez-moi auprès de vos lecteurs, sachant lire et écrire sans pour autant en abuser, de ce rappel historique fastidieux mais nécessaire. Il se fait que la démocratie contemporaine, soucieuse de prémunir nos concitoyens contre la perte de leur identité culturelle et ancestralement coutumière, a depuis plusieurs décennies été convaincu qu’il faut limiter la transmission de nouvelles idées et événements strictement villageois, folkloriques et show-biziaques. Puisque le monde est devenu notre village, il va de soi que la dialectique historique fasse croire aux braves gens que c’est notre village qui est le monde. Notre peuplade d’abord! Les sociologues, malheureusement trop abscons pour être lus, ont suffisamment expliqué comment la sur - information médiatique conduit à la des - information généralisé, de telle manière que la société de la connaissance produit beaucoup d’ignorance, avec comme circonstance aggravante que les ignares, déjà largement majoritaires, ne se rendent point compte de leur état. Tandis que ceux qui savent, s’en cachent honteusement de peur d’ être démocratiquement discriminés par la majorité.
En cette année du cinquantenaire de l’Euro, l’an 2049, mon plus grand étonnement personnel réside bien entendu dans le fait que je puisse assister et participer aux multiples festivités, alors que j’avais déjà pris ma post-retraite postponée en l’an 2003. Mais grâce aux progrès fulgurants de la médecine de pointe - que je consulte via internet sur le site Medline et son centre de réparation et de transsémination d’organes, établi à Mostar en Bosnie -, j’ai pu reprendre toutes mes activités à l'âge de 85 ans. Je n’ai jamais autant travaillé qu’au cours des 30 dernières années. Tous mes organes, consécutivement défaillants, m’ont été remplacées. C’est ainsi que je suis muni d’un nouveau coeur, porté humainement par un porc bien Belge, d’un foie germé dans une oie du Périgord et de trois reins, manipulés bio-géntiquement au sein d’un gnou Tanzanien. La loi sur la protection de la vie privée m’interdit par ailleurs de m’étendre sur d’autres organes, moins convenables, qui m’ont été implantés avec bonheur, voir avec plaisir.
J’aurai l’occasion de consacrer mon prochain discours parlementaire à l’impact historique de l’Euro sur l’unification planétaire. J’y parlerai au nom du groupe le plus nombreux, à savoir le "parti des gris", qui représente les 65% des lecteurs qui ont plus de 65 ans. Le président de notre parti est plus agé que moi, puisqu’il a 120 ans, mais il se porte à merveille depuis qu’on lui a appliqué une lobotomie du thalamus, suivie d’une implantation d’un ordinateur neural ultra-miniaturisé, merveille de la nanotechnologie. Je suis le seul auquel il s’est confié à ce sujet, sous le sceau du secret le plus absolu. Je le trouve même plus lucide qu’auparavant, quoi qu’en pensent ses adversaires. Il y deux semaines cependant un terrible incident intervint. Exhortant la fierté tri-nationale du pays et parlant de la fin de nos problèmes linguistiques grâce aux performances de la ‘technologie de la parole’, la fameuse speech technology, qui permet la traduction simultanée par ordinateur de poche dans toutes les langues, il voulut évoquer les paroles inspirées du président J.F. Kennedy, lors de son fameux discours à Berlin. Mais un accident apparemment inexpliquable de diphtongaison dyslexique contraignit l’orateur à s’exclamer: "Ich bin ein Hamburger". Le président de la Chambre se vit dans l’obligation d’interrompre le discours de l’honorable membre en lui signifiant qu’il était de son austère devoir de s’abstenir de toute publicité pour des biens de consommation, qui comme le tabac et le whisky, étaient de première nécessité.
A la fin du XXe siècle beaucoup d’Européens étaient pris de pessimisme crépusculaire post-moderne, craignant que le futur est sans d’avenir. Ils se trompèrent, comme le prouve la première et brillante moitié de ce XXIe siècle. Quant à moi, il y a 50 ans je n’ai jamais subi les affres de l’âge d’anxiété et aujourd’hui je ne sens même plus l’anxiété de l’âge. L’important étant, bien entendu, de transformer à temps le changement en véritable progrès humain.<

En remerciant prématurément vos lecteurs de l’attention qu’ils porteront à mon témoignage, je vous prie de croire, Monsieur le rédacteur en chef, l’assurance de mes sentiments les meilleurs.
  Mark EYSKENS
Monsieur J.P. Vandecasteele,
Rédacteur en Chef de
La Libre Belgique
40,3398 Bruxelles